
Burn-out : Le signal qui doit tout changer
Ce n'est pas votre faute : découvrez comment l'épuisement révèle les failles de notre société et nous pousse à agir ensemble
mai 2025
mai 2025
Dans l'article précédent, nous avons vu l’ampleur du burn-out en chiffres : un actif sur cinq en Europe, plus d’un tiers des salariés au Luxembourg exposés à un risque d’épuisement.
Des données qui ne sont pas qu’une abstraction : elles racontent des vies chamboulées, des équipes fragilisées, des organisations sous pression.
Mais derrière les statistiques, une question reste essentielle : qu’est-ce que le burn-out, au juste ?
Avant de prévenir ou d’agir, encore faut-il savoir mettre des mots sur les maux.
Parce que derrière le mot « burn-out », il y a toujours une histoire.
Au-delà d’un mot galvaudé, c’est une expérience humaine, organisationnelle et sociale qui touche à la fois l’individu et aussi le collectif. Écrire sur ce qu'est le burnout est pour moi à la fois une manière de transmettre ce que j’ai appris et de contribuer à prévenir cet effondrement silencieux chez d’autres.
J'utilise le terme d'épuisement professionnel comme équivalent du mot burnout. L'expression anglaise fait appel à l'usure et à la subjectivité de l'expérience, mais elle occulte la dimension travail. Ce dernier constitue pourtant le lieu prépondérant de ce drame personnel.
J’ai entendu parler du burnout pour la première fois pendant mes études en administration et gestion des entreprises à l’université, c’était théorique pour moi. Un livre m’avait marqué : La crise du burnout de Diane Bernier (1995). À la même époque, d’autres auteurs comme Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac parlaient du « coût de l’excellence ». Ce livre était une réponse au livre de management de Thomas Peters et Robert Waterman publié en 1983 : "In search of excellence". Le débat était lancé : quelles sont les conditions de l'excellence, comment la créer pour soi et en équipe mais aussi jusqu’où aller pour réussir ? Et à quel prix ?
Puis j’ai découvert le documentaire de Nicole Aubert J’ai très mal au travail (👉lien ici). Difficile de rester indifférent quand des salariés racontent à quel point ils s’épuisent. Cela m’a parlé, en travaillant des années dans un département RH, j’ai entendu les mêmes témoignages. Les mêmes fatigues. Les mêmes blessures invisibles.
En RH, j’ai vite compris qu’il fallait que les managers sachent repérer les signes de l'épuisement de leurs équipes. L'équation était simple, il fallait faire plus avec moins. C'est possible un temps mais à terme il était devenu essentiel de prévenir, accompagner, innover, anticiper... J’avais proposé un programme pour identifier et soutenir les collaborateurs en difficulté. À l’époque, mon directeur m’avait dit : « Si on commence à mesurer le burnout, on va faire éclore des cas. ». Avec l’adage « ce qui ne se mesure pas n’existe pas… ». Pas totalement faux… mais certainement pas vrai non plus, en tout cas signe d’une époque révolue. Quelques années plus tard, ces initiatives sont devenues normales. Du moins les enquêtes de mesure de la satisfaction et de la performance (employée survey, best place to work etc..). Avec l'évolution des nouvelles pratiques RSE, l'impact de nos actions sur les environnements et sur le climat humain sera de plus en plus pris en compte. Du moins c'est une voie possible, à nous de la créer afin que cela ne se limite pas à la publication de chiffres dans des rapports.
Ai-je déjà fait un burnout ? Pas vraiment. Pas consciemment du moins. Mais je me souviens des pressions politiques. Du tiraillement permanent entre mes convictions et les discours de l’organisation. Ravaler, encaisser, sourire. Cela use. Lentement. Sûrement. Est ce bon pour la santé d'être résilient ?
Puis est venue ma vie de consultant. Je voulais réussir, coûte que coûte. J'avais besoin de me prouver que j'avais fait le bon choix et que j'étais capable. Cette fameuse questions de la confiance en soi..."tu as eu ce succès mais étais ce de la chance, sera tu capable de la suite...?". Pour me rassurer (la peur du manque), je disais oui à tout. Projets, missions, apprentissages. Sept jours sur sept. Résultat ? Un jour, je me suis effondré. Littéralement. Plus capable de travailler. Plus de voix pendant 24 heures. 1 jour sans voix pour des mois de surmenage. Par chance il m'a suffit de me reposer pour cette fois la...un signal fort. Une autre manière de travailler, d'agir et d’être était devenue nécessaire.
Le mot apparaît en 1974. Herbert Freudenberger, psychologue, décrit le burnout chez les soignants : des professionnels investis, idéaux, mais qui se consument. Aujourd’hui, la recherche est claire : le burnout ne touche pas que les métiers de l’aide. Tout secteur peut être concerné.
Christina Maslach, une auteur que j'apprécie particulièrement, parle de trois dimensions : épuisement, dépersonnalisation, perte d’accomplissement.
Elle définit le burnout comme un syndrome d'épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l'accomplissement personnel
L'OMS ne considère pas le burnout comme une maladie mais comme phénomène professionnel. Elle définit le burn‑out par "un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré".
Il se caractérise par trois dimensions :
Autrement dit : quand vous n’avez plus d’énergie, que vous n’avez plus envie, et que vous ne croyez plus en ce que vous faites… vous êtes peut-être allé trop loin.
Bien que le burnout ne soit pas considéré comme une maladie, il est également associé à des symptômes négatifs pour la santé cérébrale, tels que l'anxiété ou la dépression, qui peuvent à leur tour être liés à des affections de santé mentale plus graves.
En d'autres termes, le burn-out n'est pas une maladie en soi mais c'est un état de dérèglement progressif, avec des symptômes très réels et significatifs. Ces signaux sont une phase d’alerte et,s’ils ne sont pas pris en compte, ils peuvent évoluer vers des maladies. Ces maladies vont varier d'un individu à l'autre.
On oppose de plus en plus burnout (trop) et bore-out (pas assez). L’un, c’est trop de pression. L’autre, pas assez de sens. Mais au fond, c’est la même mécanique : l’envie qui cale. Merci à un ami, directeur commercial, qui m'a éclairé sur cette dimension d'ennui. Le paradoxe est que l'épuisement ne provient pas toujours de trop de travail mais de la perte de sens et d'utilité. Il me confie : "Avant je me sentais utile et plein de projets. Aujourd'hui avec le changement au niveau de la direction je me sens mis dans un placard. J'ai tout donné, je me suis investi, et aujourd'hui j'attends de pouvoir partir à la pension dignement car je ne sais pas faire mon travail à moitié, je lutte contre moi-même...".
Le burnout, c’est « je n’en peux plus ». Le bore-out, c’est « je ne peux plus m’y mettre ». Dans les deux cas, le corps lâche. Et parfois, l’ennui prolongé mène au même effondrement que la surcharge. Le cercle vicieux est clair : Ennui → désengagement → perte d’estime → fatigue → burnout.
Alors, que faire ? La première étape, c’est reconnaître les signes. Se demander : jusqu’où puis-je aller sans me perdre ? Qu’est-ce que je suis prêt à payer au nom de la (non)-performance ?
Voilà pourquoi je définis le burnout aujourd’hui. Pour ne pas le vivre moi même un jour et surtout pour que vous puissiez l’éviter. Parce que derrière le mot, il y a des vies, des corps, des histoires. Et peut-être aussi la vôtre.
Ces récits rappellent que le burn-out n’est pas une théorie : ce sont des vies, des corps et des histoires réelles.
Je vais nourrir progressivement ces témoignages pour (dé)montrer la diversité des symptômes et des impacts qui varient sur chacun.
Témoignage de NM – Le burn-out entrepreneurial
« J’ai créé mon salon de kinésithérapie il y a maintenant deux ans et demi. C’était un grand projet de vie, un tournant à 180 degrés. Au début, ce n’était pas simple, mais après un an, les choses ont commencé à bien fonctionner. Je travaillais sans compter : aucun client refusé, pas de vacances, pas de repos, un salaire à peine convenable mais une énergie portée par l’adrénaline. Je me disais toujours : “le repos, ce sera pour plus tard”.
Fin de l’année dernière, mon corps a commencé à m’envoyer des signaux d’extrême fatigue. Puis ma peau s’est mise à réagir violemment : boutons sur le ventre, les bras, le dos, les jambes. Chaque bouton me semblait comme un drapeau rouge. Les médecins n’avaient pas de réponses. J’ai compris plus tard que ma peau faisait barrière, comme pour dire : “stop, j’ai besoin d’espace”.
Le premier jour de mes congés d’été, tout a basculé : impossible de me lever, je pleurais sans fin, je ne savais même plus comment je m’appelais. Là, j’ai compris que j’étais arrivée au bout. Comme si je m’étais épuisée à crédit, toujours dans le rouge, incapable de remonter au-dessus de la ligne.
La reconstruction a commencé quand j’ai osé partager ma vulnérabilité avec mes proches et même avec certains clients. Leur accueil bienveillant m’a soulagée. J’ai décidé de m’accorder des soins réguliers, de réduire mes heures, de déconnecter vraiment lors des repos, de m’autoriser à augmenter mon salaire. Aujourd’hui, je me plais à dire que je “flotte”, et ce vide est exactement ce dont j’avais besoin : retrouver le calme, la douceur, l’équilibre.
👉 Mon conseil : écoutez votre corps. N’attendez pas d’être face au mur pour comprendre. Chaque signal est un avertissement. Le “mal a dit”… et il faut l’entendre. »
Témoignage de OG – Flirter avec les limites
« Je décrirais ma situation pré-burn-out comme un débordement global. Pas seulement au travail, même si l’annonce de licenciements dans mon équipe a été lourde à porter. Les signes étaient partout : irritabilité, nervosité, sommeil compliqué, fatigue, douleurs physiques, comportements boulimiques. Je me sentais obligé de tout contrôler. Le moindre imprévu me mettait en débordement émotionnel.
C’est lors d’une visite médicale que j’ai pris conscience de la gravité. J’ai répondu à un questionnaire sur mon bien-être : manque d’intérêt, mauvaise motivation, gestion difficile… Le médecin m’a alerté et j’ai commencé un suivi avec un coach. Cela m’a bouleversé : j’ai pris conscience de mon manque d’estime de moi, de ma tendance à l’autosabotage, de mes réactions disproportionnées dans ma vie familiale.
Aujourd’hui, rien n’est encore complètement résolu. J’ai toujours des rechutes, je me sens parfois vivre uniquement pour les autres. Mais au moins, je sais. Je tente de prendre du temps pour moi, notamment avec le golf. Ce sport est devenu un miroir de mes défis : il demande patience, concentration, et m’oblige à gérer mes pensées négatives. Quand j’y arrive, je ressens une vraie bouffée d’air.
👉 Mon conseil : si vous sentez que vous flirtez avec les limites, ne minimisez pas. Cherchez du soutien, osez en parler. Et aux entreprises, je dirais : arrêtez d’user les gens jusqu’à la corde. Derrière les performances, il y a des humains, pas des machines. »
Avez-vous déjà traversé des moments où vous vous êtes senti à bout, vidé, écartelé entre vos valeurs et votre travail ? Comment prenez-vous soin de vous pour ne pas basculer ? J’aimerais lire, entendre votre expérience, votre histoire, votre propre définition du burnout.
Comment distinguer un arrêt de maladie de deux semaines pour une baisse de régime passagère d'un "vrai" burnout" ?
L'article suivant vous guide à travers les étapes de l'épuisement et vous propose un outil d'auto-évaluation pour y voir plus clair.
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Comment savoir si vous êtes en burnout ? Les 12 étapes de l'épuisement. Faites le test !
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