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mai 2025

Burnout et risques psychosociaux au Luxembourg – Données 2024 – Les chiffres qui parlent

Les données clés sur le stress au travail sont issues du rapport Quality of Work Index Luxembourg

Ce rapport est mené par la Chambre des salariés en collaboration avec l’Université du Luxembourg, évalue les conditions de travail de près de 3 000 salariés (résidents et frontaliers). 

Chiffres clés en lien avec le Burnout 

  1. Le score moyen de risque de burnout est à 33,7 %, soit une hausse de 14,6 % par rapport à 2014. L’indice reflète une exposition à un risque modéré à élevé de burnout, selon les chercheurs. 

    Cet indice n’est pas un diagnostic clinique, il ne montre pas un nombre de personnes en burnout, le pourcentage de 33,7 ne dit pas non plus que 1 personne sur 3 est en risque de burnout. Cet indice représente un calcul du risque potentiel de burnout, fondé sur les réponses aux questions relatives au bien-être et à ses facteurs aggravants. Son utilité est de montrer l’évolution du risque dans le temps. 
  2. 51 % des salariés indiquent un niveau de souffrance psychique accru ou élevé, un signal fort de détresse mentale généralisée. 
  3. 10 % des personnes interrogées déclarent se sentir épuisées tous les jours ou presque à cause du travail. Cela a été le cas plus de la moitié du temps au cours des 2 dernières semaines précédant l’enquête pour 20% d'entre elles ». 
  4. 26 % souffrent de troubles du sommeil importants, souvent liés au stress professionnel et à l’hyperconnectivité. 
  5. 24 % déclarent être fortement sollicités en dehors de leurs horaires de travail, brouillant encore plus les frontières entre vie pro et vie perso. 
  6. 32 % des salariés télétravaillent régulièrement, un taux en légère hausse par rapport à 2023 (29 %), mais qui reste inégal selon les métiers. 
  7. 44,8 minutes : c’est le temps moyen d’un trajet domicile-travail, en hausse constante depuis 2014 — impact plus lourd pour les frontaliers. 
  8. 60 % des cadres et dirigeants ressentent une forte pression à être joignables hors des heures de travail, reflet d’une culture de l’hyperdisponibilité. 
  9. 30 % des salariés du secteur finance & assurance déclarent une baisse de satisfaction au travail depuis 2021. 
  10. 45 % des salariés du commerce, transport et hôtellerie-restauration rapportent un stress accru dû aux conditions de travail, notamment horaires atypiques, pénibilité et charge émotionnelle. 

Bien que le burn-out soit reconnu comme un problème de santé au travail au Luxembourg, il n’existe pas de chiffres officiels publiés sur le nombre de cas annuels. (Si vous les trouvez je suis demandeur de les connaître). Cela s’explique notamment par la difficulté à poser un diagnostic clair : le burn-out évolue sur une échelle de 12 stades, et l’arrêt de travail peut survenir à des moments très variables selon les personnes et les médecins. 

Les DRH que j’ai interrogés évoquent en moyenne 1 à 2 % de salariés arrêtés pour burn-out. Pourtant, le nombre de personnes présentant des symptômes évocateurs est bien plus élevé. Nombreux sont ceux qui continuent à travailler malgré une fatigue, un stress ou un désengagement émotionnel importants — des signaux qui méritent de l’attention et de l’accompagnement. Mais derrière ces arrêts, les RH eux-mêmes s’interrogent : que cachent réellement ces situations ? Est-ce un burn-out avéré, exigeant une prise en charge adaptée, ou un salarié désengagé, voire en quête de protection face à un licenciement redouté ? Cette frontière, souvent floue, complique la lecture des arrêts et la réponse la plus juste à apporter. 

Tendance de l’enquête Quality of Work 

Le message donné par les répondants est « une alerte silencieuse pour les employeurs ». 

Malgré une stabilisation des indicateurs en 2024, les résultats montrent que la qualité de vie au travail au Luxembourg connaît une érosion lente mais continue. La décennie passée a vu 

s’installer un climat de travail plus intense, plus complexe, et moins soutenant, avec des ressources positives (autonomie, formation, coopération, feed-back, promotion, satisfaction rémunération) qui stagnent voire s’érodent. 

Les salariés des secteurs à horaires atypiques ou à forte pénibilité — industrie, commerce, hôtellerie-restauration, services directs — sont particulièrement vulnérables. À l’opposé, les cadres et télétravailleurs parviennent encore à préserver des conditions plus favorables, mais cela ne suffit pas à compenser le déséquilibre général. 

Même si certains indicateurs, comme le risque de burnout ou les troubles du sommeil, affichent une légère amélioration en 2024, les tendances de fond restent préoccupantes : hausse du risque dépressif, douleurs physiques persistantes, et une difficulté durable à retrouver un niveau de bien-être équivalent à celui d’avant la crise sanitaire

Pour les employeurs, c’est un signal d’alarme silencieux : il ne s’agit plus seulement d’agir pour attirer les talents, mais de réinventer des environnements de travail durables, équitables, et véritablement humains. 

Il est donc important de comprendre le syndrome de burnout, ses causes et les solutions individuelles et collectives à mettre en place. 

Au-delà de cette enquête : importance du lien social et de la qualité de la vie privée 

Il serait réducteur de considérer le burn-out comme une simple défaillance du système de travail ou comme un manque de résilience individuelle. Ce syndrome est le reflet d’un déséquilibre plus profond, enraciné dans notre environnement socio-écologique — c’est-à-dire dans la manière dont notre société est organisée, ce qu’elle valorise, et les liens qu’elle (dé)structure. Comme pour bien d’autres maladies contemporaines, la pathologie dit quelque chose du type de société dans laquelle elle émerge. Je fais ici une digression mais, selon mes sources qui travaillent dans le domaine de l’assurance santé, on observe que « en Allemagne on souffre plus de mal de dos, en Hollande de torticolis et en Angleterre et en Belgique de dépression ». 

Le burn-out, en particulier, apparaît dans un monde où les liens sociaux s’effilochent, où la performance prime sur la relation, et où l’individu est souvent laissé seul face à des exigences écrasantes. Le burnout est donc une réponse à la perception de sa charge de travail et chacun le somatise en fonction de son expérience personnelle et de son environnement socio culturel. 

Le STADA Health Report 2024, enquête d'envergure menée auprès de plus de 46 000 personnes dans 23 pays, met en lumière une épidémie silencieuse de solitude qui traverse l’Europe. Selon ce rapport, 52 % des Européens déclarent se sentir souvent ou occasionnellement seuls. Ce chiffre grimpe à 63 % chez les 18-35 ans, contre 41 % chez les plus de 55 ans, soulignant à quel point les jeunes générations, pourtant hyperconnectées, se sentent isolées

Cette solitude généralisée a des effets délétères bien connus : augmentation des cas de dépression, d’AVC, de maladies cardiovasculaires, de diabète et d’addictions. Elle constitue un terrain fertile pour l’émergence du burn-out. Car le lien social n’est pas un luxe, il est une ressource vitale, un facteur protecteur. Sans lui, l’individu s’épuise. Avec lui, il retrouve du sens, du soutien, et une forme d’ancrage. 

Les personnes interrogées dans le cadre du rapport STADA appellent d’ailleurs à des mesures concrètes : 46 % souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie 

personnelle, 43 % une amélioration des conditions économiques, et 27 % un meilleur accès à des services de thérapie

Ces chiffres viennent confirmer ce que beaucoup pressentent déjà : le lien social est à la fois une part du problème et une part de la solution. Il est l’un des antidotes naturels les plus puissants contre le burn-out

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